Royale au bar

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Hey, le saviez-vous ? C’était la Saint-Patrick, avant-hier ! Et c’est la deuxième que, Covid oblige, nous n’avons pas passée au pub à lever nos pintes (je pense bien sûr au Patrick’s qui accueillait depuis des années nos rencontres “pub spinning” avant que le vilain virus s’acharne sur Paris).

Cela ne nous empêche pas, quand on aime la culture irlandaise, de fêter la Saint-Patrick à la maison, en famille, avec un bon repas. Ce ne sont pas les recettes traditionnelles qui manquent : irish stew, colcannon, bœuf à la Guinness… Le choix est large. Et l’office du tourisme irlandais nous a même concocté une soirée de Saint-Patrick covidienne à distance.

Mais quand on n’a pas le temps de préparer un barmbrack ou un crumble pour le dessert, quoi de plus réconfortant, pour fêter la fin de l’hiver toute proche, qu’un délicieux irish coffee réalisé avec un bon whiskey irlandais, j’ai nommé le Paddy ?

Pour ma part, la meilleure façon de le savourer, c’est en digestif, sans rien dedans (il est interdit de mettre des glaçons dans un whiskey irlandais), mais légèrement rafraîchi grâce à un verre à réserve de froid (vous le savez, depuis le temps, que je suis une geek de gadgets culinaires !!).

Pourtant, le côté sucré et onctueux, parfaitement régressif (si des parents excédés avaient l’habitude de vous mettre une dose de gnôle dans le biberon pour vous faire – enfin – dormir…) de l’irish coffee peut être de mise en ces jours de frustrations. Je l’invite donc avec plaisir dans ma collection de fils d’art “Royale au bar”.

Voici donc une des recettes de l’irish coffee, telle que je l’ai trouvée sur la chaîne YouTube de Jamie Oliver dédiée aux cocktails.

L’Irish Coffee

Réchauffez, avec de l’eau bien chaude, un verre supportant les écarts de température. Traditionnellement, l’irish coffee est servi dans un verre à pied en cristal doté d’une anse… mais je ne bois pas assez d’irish coffee pour en avoir besoin, j’ai donc juste utilisé un verre bien costaud ! French touch !

Placez dans le verre 2 cuillerées à café de sucre brun bien parfumé. Ajoutez 15 cl de café chaud et mélangez. Versez ensuite dans le verre 5 cl de Paddy.

Touche finale, fouettez un peu de crème entière bien froide et nappez-en le dessus du breuvage en la faisant couler sur le dos d’une cuillère à soupe pour éviter qu’elle tombe au fond (je n’y arrive pas et j’utilise un siphon pour fouetter ma crème, chut !).

Ceci fait, mettez votre morceau préféré des Pogues (en ce qui me concerne, ce sera bien évidemment Fairytale of New York, où vous aurez le plaisir de redécouvrir un très jeune Matt Dillon) et dégustez !

Le fil

Facile, Émile : il nous faut du café… et de la crème bien mousseuse ! Pour le café, du mérinos marron très foncé, et pour la crème, de la bourrette de soie. J’ai cardé les deux très rapidement pour que la bourrette forme des petits grumeaux (le mieux est de l’accrocher directement sur le rouleau extérieur, sans la passer à l’intérieur de la cardeuse) et j’ai filé un “single” pas trop fin, que j’ai feutré lors du blocage pour éviter qu’il se délite ou qu’il bouloche une fois qu’il sera tricoté ou tissé.

Non, cette fois-ci, je ne me suis pas inspirée de la bouteille ni de l’étiquette, mais simplement du cocktail. Souvent femme varie…

Le blocage-feutrage

En ce qui concerne la technique du feutrage, commencez par filer plus fin que ce que vous souhaitez obtenir : le fil va “gonfler” lors de l’opération.

Autre chose : inutile de le mesurer maintenant, car il va rétrécir pendant le feutrage. Vous le mesurerez après séchage.

Faites votre écheveau et attachez-le très soigneusement pour éviter qu’il s’emmêle ; pour ma part, je l’attache avec des chutes de fil de couleur contrastante à six endroits différents.

Ensuite, je prépare une petite bassine d’eau très chaude et une autre d’eau bien froide. J’immerge l’écheveau dans l’eau chaude (avec des gants épais), puis je l’en sors et je le laisse tomber une demi-douzaine de fois au fond de ma baignoire, d’environ 1 mètre de haut. Je l’essore et je le plonge dans l’eau froide. Je l’agite bien puis je le laisse à nouveau tomber avant de le passer dans l’eau chaude.

Je répète ces opérations jusqu’à ce que les fils commence à se coller entre eux : ils font un petit “frrrrrrrrrr” quand on les sépare. Ensuite, j’essore le fil et je le mets à sécher. Voilà comment on apporte de la solidité à un “single” !

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Royale au bar

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Le temps file à une allure ! Je ne dois pas oublier de vous présenter le deuxième épisode de ma nouvelle “saga” annuelle Royale au bar.

Comme le mois dernier, j’ai laissé mon cœur pencher du côté du rétro, du “c’était mieux avant”… 😉

J’adore les goûts mentholés, pas vous ? Le côté froid dans la bouche, comme si on croquait dans une boule de neige… Il y a bien le Get27, ou le Get31, me direz-vous, mais je le trouve – bien que la recette en soit très ancienne – so années 80 ! En tout cas la bouteille me séduit beaucoup moins que celle de la Menthe-Pastille, créée par un pharmacien à la fin du XIXe siècle. J’en ai donc commandé une sur un site d’épicerie fine et… j’ai reçu une bouteille collector qui n’avait pas du tout la même étiquette !

Cela dit, les coloris m’ont séduite et je n’ai pas fait la fine bouche. Et puis, on conservait le joli bleu-vert tendre de l’étiquette originelle.

La meilleure façon de déguster cette liqueur, à mon sens, c’est en digestif, bien frappée. Mais la marque propose diverses recettes de cocktails et j’ai testé le Parisian Mojito. Mélanger du jus de pomme et de la menthe, quelle idée ! Comme dirait l’autre : “Bizarre, vous avez dit bizarre ? comme c’est bizarre !” On dirait un peu les cocktails extravagants imaginés par ma chère Juliette !

Certes, le goût est surprenant, mais pas désagréable du tout, et d’une grande fraîcheur. Un peu comme de mordre dans une pomme glacée…

Le Parisian Mojito

Choisir un joli petit verre comme ces adorables gobelets que mon homme m’a offerts pour Noël, en “verre marin glaz” créé par Lucile Viaud, une spécialiste en géoverrerie. Il a découvert son verre “glaz” à base de coquilles d’huîtres à l’atelier de notre cher Thomas, chez qui nous avons expérimenté le soufflage du verre. Mais un verre à cocktail conique fera aussi l’affaire.

Verser dans un shaker 40 ml de Menthe-Pastille, 30 ml de jus de pomme et 20 ml de jus de citron jaune.

Remplir le shaker de glaçons aux deux tiers et agiter énergiquement pendant 7 à 10 secondes.

Filtrer dans un verre sans glace mais préalablement rafraîchi, garnir de feuilles de menthe, et déguster.

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.

Le fil

J’ai eu envie d’approcher les coloris de l’étiquette par la teinture, cette fois, et je me suis aperçue très vite que parmi la soixantaine de teintures liquides Dupont que j’ai l’habitude d’utiliser, ne n’avais aucun des quatre coloris (bleu-vert tendre, rouille, moutarde, bleu nuit) nécessaires. Je me suis donc installée tranquillement avec un pinceau, du papier, un compte-gouttes et plein de petits pots pour essayer de les obtenir patiemment, en rajoutant une goutte de ci, une goutte de ça… C’est un peu de l’alchimie ! 😊 Mais c’est une activité très agréable qui me relaxe totalement.

Je m’en suis servie pour teindre une mèche mérinos et soie, en conservant un peu de blanc ici et là. Filage simple, retors deux brins… mais le résultat ne m’a pas convaincue : je trouvais les couleurs délavées. J’ai donc recommencé l’opération (heureusement, j’avais noté mes “recettes”) en teignant quatre fois 10 grammes de fibres séparément. J’ai ajouté 10 g de fibres blanches, j’ai déchiré tout cela en petits morceaux que j’ai filés les uns après les autres avant de retordre le fil sur lui-même. Quand on compare les deux écheveaux, la différence ne saute pas aux yeux, mais le second me plaît bien davantage.

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Notez comme la soie, dans ce mélange, prend la teinture de manière beaucoup plus éclatante que la laine !
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À gauche, le premier écheveau dont la mèche a été teinte en une fois. À droite, le second, réalisé avec plusieurs mèches teintes séparément.
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Royale au bar

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L’année dernière, j’ai dû abandonner bon nombre de projets créatifs ; ç’a été une année difficile pour bon nombre d’entre nous, et en ce qui me concerne, ce sont les loisirs qui ont “souffert”.

Je ne suis pas certaine que 2021 sera meilleure, mais je ne me sens pas capable de renoncer encore une fois à explorer le filage sous toutes ses formes : j’en ai besoin, tout simplement ! J’ai donc décidé de commencer une nouvelle “collection”.

En 2020, de nombreux Français coincés chez eux par le confinement ont découvert le plaisir de faire du pain. Comme j’avais déjà exploré ce chemin, je me suis amusée avec d’autres découvertes culinaires, et pourquoi pas la mixologie ? Des cocktails bien frais et légers pour les fameux apéros du week-end avec ou sans copains en vidéoconférence, avec ou sans applaudissements… mais souvent avec des bulles 😉

C’est très facile, pour un commerçant alimentaire, de me pousser à glisser une nouvelle liqueur parfumée dans mon Caddie : il suffit de faire une jolie étiquette, un beau flacon, et hop ! Je ne peux pas résister. Quand j’ai vu ce coffret de liqueur St-Germain, avec ses deux superbes verres, je n’ai pas pu résister. Je savais que ma tribu allait se moquer de moi, ils me connaissent comme s’ils m’avaient tricotée et je me fais souvent traiter de “tête de gondole”.

Bon, mais une fois achetée, il fallait la goûter, cette liqueur aux fleurs de sureau. Heureusement, la marque propose toutes sortes de recettes de cocktails sur son site, la plus emblématique étant le spritz.

Bizarrement, le site de cette marque française mélange textes en anglais et en français, et je n’ai trouvé nulle part de bouton pour choisir sa langue. Peut-être un défaut d’affichage sur mon navigateur ?

Je vous ai en tout cas traduit la recette ci-dessous.

Le St-Germain Spritz

Remplir de glaçons un verre highball (aussi nommé tumbler ou long drink).

Ajouter 40 cl de liqueur St-Germain, 60 cl de blanc pétillant (type prosecco, saumur, ou pourquoi pas du champagne) et 60 cl d’eau gazeuse.

Bonne dégustation !

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.

Le fil

Bon, quittons le comptoir (virtuel) et intéressons-nous un peu à cette nouvelle collection exploratoire : “Royale au bar”. Elle consiste à s’inspirer de la bouteille, de son contenu, du cocktail réalisé, ou bien des trois à la fois. Ici, j’ai voulu copier la couleur de la liqueur elle-même, en ajoutant une touche de doré évoquant l’encadrement de l’étiquette, et travailler sur la structure du fil pour obtenir un effet de bulles.

Question couleur, j’ai eu la flemme de sortir mon matériel de teinture (elle commence bien, cette reprise… 😀 ), et je me suis dit que ce serait sympa de mélanger plusieurs coloris de mérinos déjà teint par cardage. Cela donne un fil chiné et j’adore tout ce qui est chiné, pas vous ?

Avant de passer un mélange en cardeuse, si je cherche à obtenir une couleur particulière, je fais de tous petits échantillons pour savoir quels coloris mélanger, et dans quelles proportions. Pour cela, l’idéal est une paire de peignes. Là, j’ai dû faire cinq essais avant d’arriver à un coloris qui me convienne, et j’ai utilisé quatre coloris différents, deux en grande quantité, et deux en petite touche. Car, dans cette liqueur dorée, il y a une pointe de vert…

Pour rendre les “bulles”, j’ai décidé de faire un fil câblé et “coilé”. Ces fils sont souvent assez gros, mais rien n’empêche de les faire plus fins, il faut pour cela que le premier filage soit bien fin. Il faut aussi que le fil “d’âme” des coils soit fin, mais résistant aussi. J’ai utilisé un fil métallisé Gunold, qui s’est super bien prêté à l’exercice des coils.

Si vous ne savez pas faire des coils, c’est assez simple : on retord le fil de mérinos et le fil métallisé en tenant le premier à 90° du second pour qu’il s’enroule autour en spirale bien serrée. Ensuite, nouveau retors (je vous ai dit que ce serait un câblé !) : j’ai mis le fil en pelote à l’aide de ma pelotonneuse, j’ai attrapé les deux extrémités et je l’ai tout simplement retordu sur lui-même. Les coils se sont imbriqués les uns dans les autres en produisant l’effet de bulles recherché.

Ah, je ne vous ai pas dit si le St-Germain Spritz était bon : oui, c’est très agréable, sucré comme un bonbon, léger en alcool car il y a beaucoup d’eau et de glaçons.

collection d'écheveaux filés mains artyarn cocktails spritz st-germain
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Du cachemire pour le PLAISIR

filage artisanal au rouet cachemire alpacone

Suite au ralentissement des visites, j’ai constaté que le thème du mois que je proposais sur le forum Tricotin n’éveillait plus beaucoup d’intérêt, et j’avoue que cela ne m’a pas motivée moi-même à y participer. J’ai réussi ces derniers mois à montrer mon travail pour les derniers thèmes, mais il est clair qu’il était temps que cela s’arrête. Pas d’inquiétude : je reste sur le forum pour le modérer et surtout pour répondre à vos questions. Mais pour le moment, je ne proposerai plus de thèmes.

Toutefois, je n’aime pas trop les choses en suspens et, avec beaucoup de retard, j’ai décidé de proposer aux fileuses et fileurs du forum un ultime thème de filage pour boucler l’année 2019. Il faut dire que, en cette période de confinement, je suis bien obligée de m’attaquer aux choses qui traînent : je n’ai plus d’excuses pour procrastiner.

Toutefois, toujours à cause de ce confinement, je voulais aussi faire passer ce message : FAITES-VOUS PLAISIR.

Au cours de l’année écoulée, j’ai lu beaucoup de messages sur les réseaux sociaux faisant part d’un certain désenchantement vis-à-vis de la professionnalisation de nos beaux arts du filage, de la teinture et du travail des fibres en général. C’est un souci qui ne touche pas que la France : même au-delà des frontières, dans des pays où le filage (tissage, teinture, etc.) est plus répandu, où il existe des associations étendues, des guildes, il est tout de même très, très compliqué d’en vivre. Voire d’espérer en vivre. Cela pose une question qui s’étend bien plus loin que le seul domaine textile : peut-on, et/ou doit-on, demander à notre passion de nous faire vivre ? Elizabeth Gilbert, dans l’ouvrage Comme par magie (ou Big Magic, en anglais), dont Flore, la fondatrice de ce forum, m’a conseillé la lecture il y a quelques années, essaie d’y répondre, et j’ai apprécié son point de vue très humble.

Quels que soient nos enjeux, nous subissons tous des déceptions dans notre parcours d’apprentissage et de création. L’image est éculée, mais je suis tentée de conseiller à chaque personne tombée de bicyclette – ou de rouet – de remonter dessus… et d’essayer de repartir toujours non pas de zéro, mais de l’essentiel : le plaisir.

Car, non, au XXIe siècle, nous ne sommes pas obligés de filer pour vivre ou pour vêtir notre famille ! Nous avons cette grande chance : nous avons le droit le filer pour le plaisir. Donc, je vous en conjure, ne boudez pas votre plaisir, et surtout, ne l’oubliez pas, ce plaisir.

En cette période de crise et de confinement, il est plus temps que jamais de plonger vers ce qui nous réjouit le plus. Pour ma part, cela a été de prendre dans mon tiroir à trésors un sac que j’y avais glissé il y a très peu de temps : du cachemire très doux, d’une couleur naturelle adorable, sorte de caramel bien dilué de crème fleurette, que j’ai acheté lors de la Fête de la Laine de Malakoff 2020 auprès d’exposants italiens fort talentueux, Alpacone. Je vous l’avoue : ce n’était pas donné. Normal, pour du cachemire. Mais quand j’expose sur un marché, j’investis souvent mes bénéfices chez mes voisins de stand, c’est comme ça. Et là, il faisait si beau, j’étais entourée de magnifiques œuvres textiles qui me transportaient de joie… je me suis prise pour une star et je me suis dit que je le valais bien. Que je le valais largement.

filage artisanal au rouet cachemire alpacone

Vraiment, je ne regrette pas mes sous. J’ai pris à filer ces fibres un plaisir incommensurable.

C’est clair, elles “réclamaient” d’être filées en long draw. Vous la connaissez peut-être, cette petite voix des fibres qui vous chantonne avec autorité ce qu’elles veulent qu’on en fasse. Des fibres relativement courtes, extrêmement fines, plutôt glissantes, impossible d’essayer d’en faire autre chose : elles se seraient sans doute vengées 😉

D’habitude, je réserve mon Little Gem aux déplacements, notamment au pub spinning, car je trouve l’Aura plus facile à régler. Mais là, j’avais besoin d’aller vraiment très vite, et le plus petit rapport de la toute petite poulie haute vitesse, c’est ce qu’il me fallait (vu la quantité, je n’avais pas la patience d’utiliser les petits fuseaux de ma charkha, qui aurait sans doute offert le meilleur rapport). Je n’ai d’ailleurs eu aucun souci à régler le frein.

J’ai donc filé en long draw, assez fin, car les fibres glissaient les unes contre les autres et ne demandaient que ça. J’ai fait un retors à deux brins tout simple. Tout de même, j’ai suivi le conseil proposé par Judith Mackenzie dans son ouvrage The Practical Spinner’s Guide : Rare Luxury Fibers : filer avec peu de torsion, retordre avec beaucoup. J’ai obtenu un fil de départ très fin, avec un fil d’arrivée dodu et très moelleux. Pour celles et ceux qui aiment les chiffres : le filage a duré 18 h 30, le retors 7 h ; l’écheveau pèse 225 g et mesurait 950 m après retors, 947 m (soit presque pas de perte !) après blocage et trois ou quatre “claquages” contre un mur.

Ce long moment de long draw a représenté l’opportunité parfaite de perfectionner ce geste parfois difficile à maîtriser. Je le répète, les fibres s’y prêtaient magnifiquement.

J’envisage une moelleuse étole crochetée en star stitch (point marguerite). Et je m’engage solennellement à venir partager une photo dès que j’aurai fait mon échantillon 😉

filage artisanal au rouet cachemire alpacone

Salade de fruits

écheveau mérinos filé main au rouet artisanal

Je devrais détester l’été parce que je crains la chaleur, et que cette saison gorgée de soleil m’oblige à ranger mes pulls. Oui, mais l’été se fait pardonner avec ses beaux fruits : melons, fraises, cerises, pêches et l’incontournable pastèque dont je pourrais me rendre malade si mon organisme n’y était pas si bien habitué. En automne, c’est autre chose, je me régale surtout les yeux : les arbres du parc se parent de leurs plus belles couleurs et dès que je mets un pied dehors, j’admire de belles écharpes, des châles envoûtants, de jolis pulls… sans compter que je peux ressortir les miens. C’est la saison rêvée pour la laine ! Côtés fruits, en revanche, c’est un peu le désert.

Je compense avec mon dessert préféré, la salade de fruits. Pierre Hermé fournit une recette que j’ai un peu simplifiée (il met trop d’ingrédients à mon goût) et que je trouve délicieuse. Il y a de l’orange, du pamplemousse et du citron vert (seulement les suprêmes, hein ! ça prend du temps à préparer mais ça vaut le coup), ainsi que des petits cubes de mangue, le tout nappé d’un sirop parfumé au gingembre, à la vanille, à la badiane et au poivre, avec quelques zestes d’agrumes. Essayez, vous m’en direz des nouvelles.

Sur le forum Tricotin, section “Thème du mois”, j’ai demandé aux fileuses et fileurs si, à leur rouet ou leur fuseau préféré, ils en offraient, de la salade de fruits : “Oui, je vous parle de filage, là. Je parie que vous aviez oublié qu’on n’est pas sur un forum gastronomique… non non non, Supertoinette, c’est à côté, les gars !”

Pour filer une “salade de fruits”, je pioche des couleurs de saison – soit celles que m’inspire la saison, soit celles qui me plaisent le plus à ce moment-là – en diverses matières dans mon stock, et je sépare les mèches ou la toison en petits morceaux, à peine plus gros que la longueur de la fibre. Je balance tout ça dans un gros saladier et je brasse pour bien mélanger. Ensuite, j’en fourre de pleines poignées dans ma cardeuse, en tournant un peu trop vite pour qu’elle n’ait pas le temps de bien étirer les fibres. Cela va s’emmêler et faire des paquets : parfait, cela permet d’obtenir de superbes effets de texture.

Si on n’a pas de cardeuse, on peut tout de même bénéficier du côté “salade de fruits” en filant simplement les fibres telles qu’on les pêche – attention, sans regarder ! sinon on ne peut pas s’empêcher de choisir – dans le saladier. Après, la façon de filer, c’est au choix, mais je trouve que cela rend bien en core-spinning.

écheveau mérinos filé main au rouet artisanal

Pour ma part, finalement, je n’ai pas choisi le core-spinning : après avoir sélectionné une douzaine de coloris de mérinos dans des tons fruités et les avoir déchirés en petits morceaux, j’ai renoncé au cardage et je les ai attrapés au hasard – sans regarder… – dans le saladier pour les filer tout simplement les uns après les autres. J’ai fait un retors navajo pour conserver les portions de couleur dont les contrastes vitaminés me plaisaient plus qu’un mélange de tons. Il faisait si gris ! Le temps était si maussade, et les étals du marché aussi ! Je voulais mes fruits en morceaux plutôt qu’en compote… 🙂

Galapagos

filage artisanal teinture de la laine

En octobre 2019 (oui, on remonte dans le temps !), j’ai proposé comme thème de filage aux fileuses et fileurs du forum Tricotin “Qu’importe le flacon”. En ces termes, je leur proposais de sortir leur flacon de teinture préférée – éventuellement de raconter pourquoi ils aimaient ce coloris, cette marque – et de montrer ce qu’ils en faisaient… peut-être allaient-ils teindre différents types de fibres et comparer les résultats ? Bien sûr, cela valait pour tous les contenants, y compris pots et sachets !

Pour ma part, j’ai bel et bien choisi un flacon : mon coloris préféré de peinture pour soie Dupont, le “Vert mode”, un bleu-vert qui fait rêver aux mers du Sud. Les teintures liquides sont tellement pratiques ! Cela m’intéressait de voir comment différentes fibres allaient accepter les pigments. J’ai donc pioché dans mes stocks quelques poignées de mes fibres préférées. Sur la photo, en partant du haut à gauche et en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre : alpaga, angora, bébé chameau, bourrette de soie, toison de mérinos Maco, bébé mohair et soie tussah.

Dans la teinture, le mouillage est capital, surtout quand on va teindre par trempage. j’ai donc mis mes fibres à tremper la veille, avec quelques gouttes de liquide vaisselle comme “agent mouillant”, en insistant bien sur les fibres à travers lesquelles l’eau voyage le plus mal : l’angora et la soie. La bourrette notamment doit être bien déchirée avec les doigts, sinon elle est trop tassée pour accepter l’eau correctement – et là où l’eau ne va pas, la teinture n’ira pas non plus. Comme ces fibres-là ne feutrent pas, il ne faut pas hésiter à les pétrir pour que l’eau atteigne le cœur des fibres.

Je les ai ensuite teintes séparément dans ma cocotte, en donnant à chacune la même dose de teinture, soit environ 2 ml par tranche de 10 g de fibres. Vers la fin de la teinture, elles ont toutes eu droit à une giclée de vinaigre blanc, et je les ai laissées dans l’eau qui refroidissait tranquillement jusqu’à ce que cette eau soit bien transparente.

Sur la deuxième photo, elles sont disposées dans le même ordre. La qualité n’est pas bonne, mais en fait elles n’ont pas la même intensité. Le bébé chameau est le grand gagnant, c’est lui qui a atteint la teinte la plus foncée (mais il était aussi plus foncé au départ). Contrairement à mes expériences antérieures, l’angora a bien pris la teinture, c’est donc vraiment un problème de “mouillage”. Le mohair aussi a une belle teinte profonde, ainsi que la soie tussah.

filage artisanal teinture de la laine

Après séchage des fibres, bien étalées sur un séchoir à pull, je suis passée au cardage et j’ai obtenu de grosses nappes aériennes comme des nuages que j’ai eu grand plaisir à filer.

filage artisanal teinture de la laine

Pour garder le côté très aéré et mousseux de ces fibres très différentes mélangées intimement, j’ai choisi le filage long draw, puis un  retors à deux brins pour que le fil soit solide tout en étant assez peu tordu pour rester léger, plein d’air (et donc de chaleur quand il sera tricoté ou tissé). Compte tenu de l’effet gonflant du fil, il a fallu sortir la “grosse bobine” de l’Aura, car il n’aurait pas tenu sur une simple bobine jumbo.

Et voilà mon “Galapagos” ! Un beau pépère de 250 g et presque 500 m qui s’apprête à fanfaronner sans vergogne à la Fête de la Laine de Malakoff

filage artisanal teinture de la laine
filage artisanal teinture de la laine

Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu

swaledale filé rouet filage artisanal

C’est la prédiction que j’ai faite début septembre aux fileuses et fileurs du forum Tricotin : “Dans ma boule de cristal, je vois… je vois… que vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu !” Beau programme, n’est-ce pas ? On peut voir ou revoir sans hésiter ce film de Woody Allen servi par une très bonne distribution, tranquillement installé(e) devant un rouet, pour filer… eh bien, ce fameux inconnu ! L’exercice que je leur proposais le mois dernier était en effet tout simple : découvrir une fibre qu’ils n’avaient encore jamais filée. Peut-être une fibre végétale inhabituelle, ou tout simplement une variété de mouton à laquelle on ne s’était encore jamais frotté : il y en a tellement !

La nouveauté n’a hélas pas beaucoup inspiré les participants au “Thème du mois”… Moi si. Je me suis dit qu’il était temps de sortir des sentiers battus. Et puis, on ne tisse pas que des écharpes dans la vie.

Il était dans mes tiroirs depuis quelques mois, ce petit sachet de swaledale. Ce mouton rustique des montagnes du Yorkshire a une bouille rigolote et le gris délicat des fibres m’a séduite. Mais il ne faut pas se mentir : même si la mode est au rustique, pas question de confectionner des vêtements avec ce type de fil qui pique quelle que soit la manière dont on le file (j’ai peu tordu mes fibres pour éviter que le fil soit trop rêche, mais il n’y a pas de miracle). La grosseur moyenne des fibres est tout de même de 35 à 45 microns… Et en Angleterre, on l’utilise plutôt pour des tapis, l’intérêt des swaledale étant surtout leur viande. Je pense que mon écheveau, trop gros pour un tapis (quoique ?), deviendra un sac solide à emmener partout… à suivre !

swaledale filé rouet filage artisanal

Des vacances, ou des vacances ?

écheveau filé main artisanal rouet dégradé

Beaucoup de Français prennent quelques jours ou semaines de pause en juillet et août… et voici la question que j’ai posée en juillet aux fileuses et fileurs du forum Tricotin : pour vous, s’agira-t-il de vacances par rapport au filage que vous oublierez un temps au profit d’autres distractions – par exemple si vous n’aimez pas que la laine vous colle aux doigts – ou, au contraire, avez-vous la ferme intention de profiter de vos loisirs pour filer le plus possible ? Avez-vous un programme défini genre Tour de Fleece ou pensez-vous filer au petit bonheur la chance ? Si vous ne prévoyez aucun répit côté boulot, allez-vous considérer quelques moments de filage chipés en douce comme des mini-congés ? Fibresques ou pas, venez raconter vos projets de vacances !

C’est la fin des vacances, il est temps d’en parler avec nostalgie…

Mes vacances à moi ont commencé avec un peu de frustration : pas question de participer au Tour de Fleece, comme j’avais pu le faire au cours des années précédentes, parce que j’avais trop à faire pour me préparer un projet couvrant trois semaines de pédalage. Mais je savais très bien que trois sublimes nappes dégradées signées Midian m’attendaient dans mon tiroir à trésors. Je les gardais de côté pour un projet de tissage spécial, et là, j’avais bon espoir (mais tout le monde sait que “si tu veux faire sourire Dieu, fais un projet… et si tu veux le faire rire, fais-en deux”) de pouvoir enfin lancer cette nouvelle collection d’écharpes pour l’hiver 2019. Donc je les ai emballées avec soin, j’ai calculé le nombre de bobines nécessaires, j’ai ajouté le rouet indispensable à l’équation et mon Prince Charmant n’avait plus qu’à caser tout ça dans la voiture familiale pour le départ vers un gîte accueillant de vacances, c’est-à-dire un endroit où je n’aie pas l’impression, à chaque fois que je pose les yeux sur le moindre objet, qu’il faut ranger-laver-réparer-remplacer-optimiser ou autre. Oui, c’est ça, des vacances : se poser avec son rouet et filer des nappes de Midian, soigneusement déchirées en bandes fines pour bien respecter le dégradé.

écheveau filé main artisanal rouet dégradé

Une fois de retour à la maison, j’aurais adoré mettre tout de suite ces écheveaux sur le métier, mais les impératifs de rentrée en avaient décidé autrement ! Je ronge mon frein en attendant de pouvoir enfin m’y mettre…

La vie en rose

filage artisanal soie rouet

De temps en temps – quand je manque d’inspiration, avouons-le tout de suite – je propose aux fileuses et fileurs du forum Tricotin, comme thème du mois, une couleur. En juin, je leur ai proposé de jouer avec le ou les rose(s)… avouez qu’il y a du choix – rose tendre, layette, bonbon, pastel, saumoné, poudré, flashy et j’en passe. Voici les questions que j’avais formulées : Qui de vous adore le rose ? Qui, au contraire, l’aime si peu qu’aucun type de rose ne peut trouver grâce à ses yeux ? Aimez-vous les roses très originaux ou composés ? Exprimez-vous du fond du cœur !

Eh bien, ce thème n’a intéressé que moi 😉

Croyez-le ou pas, j’avais fini ce fil à temps en juin et j’avais pris les photos avant de partir en vacances, mais j’ai eu si peu envie de m’approcher de l’ordinateur ensuite que je n’ai pas pris le temps de vous les montrer…

En ce qui me concerne, c’est en rentrant de la ferme de cueillette que j’ai trouvé, dans mon panier, l’inspiration pour faire mon fil : le rose violent et chaud des tiges de rhubarbe contrastait sans jurer avec la délicatesse des roses.

filage artisanal soie rouet

J’ai plongé le nez dans mon panier de soies teintes et j’ai choisi les coloris les plus en rapport avec ma rhubarbe et mes roses avant de les flanquer dans la cardeuse, hop ! Puis j’en ai sorti, avec un diz, de la mèche de soie très facile à filer.

filage artisanal soie rouet

J’ai gardé mon fil en un seul brin pour éviter qu’il soit trop “tachiste”, car j’aimais bien les volutes de soie rose vif et rose tendre de ma mèche, qui me rappellent… la crème glacée Amarena. Tout à fait d’actualité par ce bel été bien chaud !

Les deux font la paire

écheveaux fil artisanal laine mérinos et soie filés main

Avez-vous déjà eu besoin (ou envie !) de filer, pour réaliser un ouvrage particulier ou parce que vous possédiez des fibres qui ne voulaient plus se quitter, deux écheveaux, ou tout une série d’écheveaux assortis – pas semblables, mais fait pour aller ensemble ? Des écheveaux “cousins”, en quelque sorte ? C’est la question que j’ai posé le mois dernier aux fileuses et fileurs du forum Tricotin.

Pour ma part, j’ai en ce moment de grosses envies de tissage et je voudrais essayer quelques effets de motifs avec des filés main assortis… et mon petit mari m’a offert de jolis mélanges de mèche de mérinos et soie dans mes couleurs préférées, comme ce beau mauve foncé. Je l’ai filé très simplement, parce que je ne voulais pas que l’originalité du fil vienne empiéter sur le travail de tissage. Puis j’ai réalisé des rolags assortis en utilisant la même proportion de soie dans le même ton, puis plein d’autres roses et même un poil de beige rosé.

écheveaux fil artisanal laine mérinos et soie filés main

Comme d’habitude je me suis régalée avec le filage des rolags, et j’ai essayé de rester sur le même type de fil, même si je n’avais pas la même préparation au départ.

écheveaux fil artisanal laine mérinos et soie filés main

Du fait de cette différence de préparation, le second écheveau est légèrement plus texturé, mais je pense que cela ne devrait pas trop se voir une fois tissé.

Hop, une fois le mauve “avalé”, je me suis lancée sur le vert… je ne connais pas le nom de ce vert mais il me plaît beaucoup ! J’ai fait des rolags beaucoup plus clairs et plus “acides” pour bien le mettre en valeur. Ce que j’ai hâte de les tisser !

écheveaux fil artisanal laine mérinos et soie filés main