Me voici de retour du marché des créateurs des Champs-Élysées, dont j’ai eu parfois l’impression qu’il n’avait de “créateur” que le nom… En effet, le petit “village des créateurs” était noyé dans une grande fête foraine où les gens venaient manger des churros, boire du vin chaud et filmer leurs enfants sur les manèges. Une atmosphère certes “festive”, mais qui ne poussait pas à admirer les créations minutieusement réalisées par les quelques artisans qui n’étaient pas en fait des revendeurs de bricoles.
Parmi ces derniers, j’ai tout de même eu le plaisir de faire la connaissance du sculpteur céramiste Benoist Lagarde (et aussi de faire quelques emplettes, hum ! je ne sais pas résister à un bel émail rouge…).
Et, si parmi les milliers de personnes venues du monde entier qui sont passées devant mon stand durant cette semaine, la plupart n’avaient certainement pas l’esprit à l’artisanat ou à la création, je ne saurais compter combien ont été étonnées ou émues par mon petit rouet qui a pédalé sans relâche, dix heures par jour ou presque. J’ai fait beaucoup de très belles rencontres et je ne saurais remercier assez tous ceux qui m’ont confié une bribe de leur histoire personnelle, évoqué un membre de leur famille, les pratiques d’antan de leur village ou de leur région. Ils m’ont touchée autant qu’ils l’ont été.
Merci donc aux ados qui ont sauté en l’air en jurant que c’était “trop stylé”. Merci aux vieilles dames qui m’ont raconté leurs longues heures de tissage, petite fille, dans un atelier portugais, ou qui ont évoqué la difficulté à redécouvrir le filage par nécessité, pendant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’elles étaient adolescentes. Merci à ce monsieur moldave d’une suprême élégance qui a expliqué la fabrication des tapis dans son village, et la fierté avec laquelle les dames qui en étaient chargées acceptaient ou non de vendre leurs créations à telle ou telle personne. Merci à tous ces jeunes hommes fascinés par les roues et les courroies, que leurs amies essayaient d’entraîner à la force de leurs petits poignets vers les stands de bijouterie. Merci au garçon de café qui a mimé pour moi les gestes de sa grand-mère : le cardage et le filage au fuseau. Merci à tous ceux qui ont demandé mon autorisation avant de prendre des photos…
Pendant toutes ces rencontres enrichissantes, si mon cerveau était aux prises avec un anglais un poil rouillé à l’oral et des notions d’espagnol franchement décaties, mes mains et mes pieds, eux, ne chômaient pas ! Voici, en chiffres, les quatre écheveaux filés au cours de ces belles journées (j’ai réalisé les retors chez moi, en rentrant, et je vous donne là le temps total passé sur chaque écheveau) :
– laine et soie : 478 m pour 126 g, 12 heures de filage ;
– mawatas de soie : 1 408 m pour 123 g, 37 heures de filage ;
– laine et soie : 587 m pour 128 g, 16 heures de filage ;
– mérinos superwash : 160 m pour 102 g, 4 heures de filage.
J’ai tout filé en blanc car c’est plus visible lorsqu’on fait une démonstration, mais rien ne m’empêchera de me livrer à quelques exercices de teinture… L’écheveau de mawatas est déjà en cours de tissage, argh, le peigne 60/10 fraîchement reçu d’Ashford est encore trop gros ! Cela donne toutefois un effet “gaze” qui pourrait être très réussi. Mais j’aurais dû retordre ce fil trop fin en navajo, il aurait eu une plus jolie texture. À refaire…
Les marchés c’est souvent frustrant des ventes, mais heureusement riche en rencontres ^^
Tu as pédalé comme une championne, chapeau bas !!!
oh alors, moi qui vis la même chose à la campagne et qui envie toujours d’être dans une grande cité pour ces expériences. Je vois que c’est pareil même à Paris, quel dommage mais quel bonheur d’être dans le partage et l’échange.
ah oui les marches…de bien belles rencontres quand meme…mais j’espere que ce fut bon pour toi…
De jolies rencontres, c’est déjà énorme !
Superbes productions…. A teindre ou non. c’est beau le blanc aussi 😉
Oui, je vais aussi en garder de toutes simple en blanc, on voit tellement mieux la texture du fil !
un assemblage de jolis fils de neige. c’est vrai que le vrai Noël « artisanal », des ouvrages aux décorations, se perd dans toute cette masse de boutiques éphémères. heureusement, les belles rencontres compensent. j’espère que tu n’as pas eu trop froid. bises.
Un constat qui rejoint celui de la campagne, que ça soit pour le côté « créateurs un peu invisibles parmi le reste » et le côté « rencontres enrichissantes » (moments de vie, souvenirs… hommes intrigués par la mécanique du rouet… ado qui trouvent que ça déchire… 😉 et quelle santé, toutes ces heures et tous ces mètres filés, j’espère que tu étais confortablement installée!