Entre deux confinements, j’ai eu le plaisir de découvrir le sashiko lors d’un stage à Espace Japon. J’y avais déjà entrevu l’art du soroban (boulier japonais) et de l’ikebana (art floral), et pendant le premier confinement, j’ai même appris (en visioconférence) à cuisiner de délicieux ramens. Bref, on peut dire que j’y ai mes habitudes… Mon Prince m’offre même des bons cadeaux, c’est dire !
Le sashiko me faisait envie depuis un moment, je devinais dans ses lignes géométriques la possibilité d’une activité aussi méditative que mon cher filage… et j’avais parfaitement raison. Vous me direz qu’il n’y a pas besoin de faire un stage pour broder des lignes. Mais j’adore apprendre de nouvelles techniques et la tenue traditionnelle de notre professeur valait à elle seule le déplacement. Et puis il y a quand même deux-trois trucs à savoir, ne serait-ce qu’apprendre à préparer une échevette de fil, car cela ne s’utilise pas comme un fil à broder classique. Et dans ces lignes géométriques, il y a tout un cheminement, figurez-vous. On ne brode pas au hasard. En suivant les lignes, en revenant sur nos pas, on a l’impression de se promener dans un jardin zen.
Bon, ce premier bout de broderie était “facile” car le tissu était préimprimé (il suffit de le laver pour faire disparaître les traces du dessin). Ce motif-là, très connu, s’appelle asanoha (“feuille de chanvre”). Comme je ne voulais pas que ma première œuvre reste sous forme d’échantillon, je l’ai pliée en deux, j’ai ajouté une fermeture à glissière et hop ! Une petite trousse pour ranger mes échevettes et mes aiguilles.
Pour acheter du fil supplémentaire, sur le conseil de mon professeur, je suis allée dans une vraie caverne d’Ali Baba : la boutique Sashiko-ya, tenue par Satomi Sakuma et son charmant mari. Et là, j’ai découvert que Satomi ne fait pas que du sashiko : c’est une vraie pro du boro et du boro mending (elle fait d’ailleurs souvent des démonstrations d’upcycling ici et là). Qu’ai-je donc fait ? Vous me voyez venir ? Évidemment, je me suis inscrite à un stage ! 😊
D’abord, pour apprendre le boro, qui est une sorte de patchwork à la japonaise. Nous avions à décorer un rectangle de tissu que nous allions ensuite plier en deux pour en faire un sac. Satomi nous a distribué des petits bouts de tissu que nous avons coupés, disposés sur le rectangle bleu foncé et cousus. Une fois rentrée à la maison, j’ai rehaussé certaines pièces de points de broderie avant d’assembler mon sac, puis j’ai réalisé une cordelette assortie en kumihimo pour le fermer et hop ! Un petit sac pour ranger mes bouts de tissu.
En effet, en fouinant dans la boutique, j’avais trouvé des pièces de tissu préimprimées pour réparer les jeans (ou tout ce qu’on veut d’autre)… très pratique ! Surtout pour le boro mending.
Le boro mending, c’est l’ancêtre de la broderie au Japon : c’est en effet en réparant les vêtements abîmés à l’aide de pièces de tissu maintenues par des lignes de couture que l’on a inventé le boro et le sashiko ! Toutes ces techniques sont étroitement liées, et elles collent bien au désir actuel de mieux consommer, de moins jeter, de réparer. “Ending is better than mending” (mieux vaut jeter que réparer), enseignait-on aux enfants du Meilleur des mondes pour les pousser à consommer (meilleur peut-être, mais pas si génial, ce “monde” imaginé par Aldous Huxley – le premier roman que j’aie lu en anglais, si mes souvenirs sont exacts). Je préfère retourner ce dicton et affirmer à mes propres enfants : “Mending is better than ending”.
Lors de ce troisième stage, j’ai donc appris diverses techniques pour masquer un accroc. J’aime bien cet échantillon de petits trous réparés et je ne le laisserai pas dormir au fond d’un tiroir. Vous ne pensez pas qu’il ferait une très chouette poche, sur une veste ample ou un sac en jean ?
Ensuite, Satomi nous a enseigné le sashiko hitomezashi, basé sur des grilles qui permettent de solidifier la pose d’une pièce de tissu destinée à recouvrir une partie de vêtement usée. Encore plus méditatif que le sashiko traditionnel (qu’on appelle moyozashi). J’adore. Le sashiko hitomezashi a un côté très binaire qui me berce. Je suis partie de chez Satomi avec plus de fils à broder, de belles aiguilles offertes à l’occasion du stage et son joli livre, qu’elle a eu la gentillesse de me dédicacer (en japonais !).
Une fois rentrée à la maison, devinez ce qu’il s’est passé… Les jeans usés sont sortis tout seuls de leur placard pour venir s’entasser sur mon bureau ! Si, si, je vous assure ! Voilà pourquoi vous allez maintenant pouvoir admirer une jolie collection de fesses 😀 Pour certains, j’ai utilisé mes pièces préimprimées ; pour d’autres (le noir par exemple) j’ai tracé moi-même les motifs sur des chutes de tissu (avec un porte-mine à mine blanche). C’est là que j’ai été ravie d’avoir une règle à patchwork, trèèèès pratique pour tracer des grilles. Mais si l’on ne veut pas s’embêter à tracer des grilles, il existe des tissus préimprimés avec des points qu’il suffit de relier pour obtenir le motif de son choix.
Mais je n’ai pas oublié le sashiko, puisque j’ai récupéré un vieux bout de drap jaune (rien ne se perd chez moi !) pour faire un sachet à citrons.
Comment, vous n’avez pas de sachet à citrons ? Comme je vous plains ! C’est un indispensable dans toute cuisine… En tout cas si, comme moi, vous aimez mettre une rondelle de citron fraîchement coupée (merveilleuse odeur pour commencer la journée) dans votre thé du matin. Comme on garde la peau, j’achète donc des citrons bio. Mais ils s’abîment vite… Alors que mon cher primeur s’étonnait de me les voir acheter un par un (et revenir souvent), je lui en ai fait la remarque et il m’a expliqué que les citrons, pour rester en pleine forme, ne doivent côtoyer aucun autre fruit ou légume. D’où la nécessité d’un sac à citrons. Voilà, vous savez tout 😉
Comme je travaillais cette fois sur du tissu jaune, j’ai utilisé un feutre Frixion pour tracer le motif shippo (“sept trésors”). Le souci avec les motifs tracés à la mine blanche, c’est qu’ils finissent par s’effacer quand on manipule le tissu et qu’il faut les redessiner de temps en temps, mais je ne vois pas comment faire autrement sur du tissu foncé ; il faut que j’essaie le carbone de brodeuse pour voir si c’est plus stable. Le feutre Frixion est parfait pour les tissus clairs ; une fois qu’on a terminé, il suffit d’un coup de fer à repasser pour effacer les traces. Là encore, sus à mon marudai (tabouret de kumihimo) pour faire les cordelières et hop ! Un sac à citrons. Et, en effet, ils ne s’abîment plus.
Maintenant, vous savez pourquoi j’ai été silencieuse ces derniers temps : je tirais l’aiguille… Mais je vous rassure, mon rouet et mon métier à tisser ne sont pas oubliés, loin de là.